Une réforme basée sur les mensonges et porteuse de violences

Les personnes retraitées ont déjà vu de l’eau couler sous les ponts et ont déjà entendu de nombreux gouvernements mentir effrontément à chaque fois qu’ils s’engageaient dans une « réforme des retraites ».

Depuis Philippe Séguin en 1987 et Édouard Balladur en 1993, tous les gouvernements nous ont dit qu’il s’agissait de « sauver notre système de retraite », ajoutant même parfois, pour les plus hypocrites « … de retraite par répartition auquel nous sommes tous très attachés ». Le résultat, les personnes aujourd’hui en retraite peuvent facilement le constater : les salariées et salariés doivent travailler plus longtemps, cotiser plus, pour percevoir une retraite plus courte et plus faible qui permet de plus en plus difficilement de vivre dignement. Il ne pouvait en être autrement : impossible que des gouvernements qui ont cassé l’hôpital public, qui ont privatisé et livré aux capitaux privés nombre d’entreprises publiques indispensables à la collectivité, qui ont cassé l’enseignement public, qui ont cassé les budgets publics par leurs cadeaux fiscaux et sociaux aux plus riches, impossible que ces gouvernements veuillent vraiment « sauver le système de retraite par répartition ». Là aussi, il s’agissait de détourner les cotisations vers les intérêts financiers en précarisant de plus en plus les personnes retraitées et en essayant de faire douter le plus grand nombre sur la pérennité d’un système de solidarité intergénérationnelle.

Ils nous ont menti en prétendant que le système allait à la faillite. Alors que les prévisions budgétaires à un an se révèlent difficiles, et souvent contredites rapidement par les faits, les uns et les autres ont publié des études oiseuses et des « projections » sur trente ou quarante ans. Tout ceci est du pilonnage idéologique dès lors qu’il est impossible de prévoir ce qui va se passer sur une longue période, en matière de gains de productivité, d’évolutions démographiques, de migrations, d’innovations technologiques, de changements économiques, culturels, géopolitiques, climatiques, etc. La seule recherche qui vaille serait de mettre en place un système de financement pérenne permettant des adaptations démocratiquement décidées au fur et à mesure des années.

Ils nous ont encore menti en se disant soucieux du « déficit » des caisses de retraite, alors qu’ils sont inactifs face à d’autres déficits bien plus importants, déficits qui, dans tous les cas, résultent essentiellement de leurs choix idéologiques de priver les caisses publiques de recettes fiscales et sociales justes et nécessaires.

Ils nous ont menti en disant qu’il fallait travailler plus longtemps car on vivait plus longtemps. Ça a l’air logique, et ça ne l’est pas du tout, car c’est notamment contredit par l’histoire elle-même. Depuis le début du XIXe siècle, l’espérance de vie en France s’est fortement améliorée et, pendant le même temps, la durée de travail sur toute la vie a fortement reculé : suppression du travail des enfants, congés payés au cours de l’année, semaine de 40 heures, puis de 35 heures, instauration d’une retraite, à 65 ans, puis à 60 ans, etc. L’explication, c’est notamment que la productivité a très fortement progressé dans de nombreux secteurs économiques, comme l’agriculture où, désormais, il faut entre 15 et 20 fois moins de main d d’œuvre qu’en 1900 pour nourrir le pays.

Aujourd’hui, vouloir faire travailler jusqu’à 64 ans les personnes qui ont un emploi c’est agir très concrètement pour augmenter le chômage des jeunes : 9 emplois sur 10 pris par des jeunes sont le remplacement d’un départ en retraite. C’est augmenter le chômage, c’est accroître la concurrence entre les salariés et salariées, ce qui favorise la dégradation des conditions de travail, d’emploi et de rémunération. C’est augmenter la précarité chez les seniors qui, au lieu d’être en retraite seront ou bien morts avant, ou en précarité ou au chômage.

Et ce gouvernement a surpassé tous les autres en matière de mensonge et de culot. Dans les premières semaines d’exposition du projet de réforme, il s’agissait de faire des économies en matière de retraite afin de disposer de fonds pour des dépenses publiques indispensables qui nous étaient énumérées : l’hôpital, les EHPAD, l’école, etc. C’était d’un culot monstre : d’un côté, le gouvernement supprime les impôts des plus riches et continue de leur permettre d’échapper à l’impôt et aux cotisations sociales par des mesures spécifiques et par les territoires off-shore laissés sans contrôles, et ensuite il viendrait taper dans les cotisations sociales et obliger les travailleuses et les travailleurs à travailler plus … pour continuer d’augmenter les profits des grandes entreprises et les dividendes de leurs actionnaires. Quelques semaines plus tard, l’explication de la réforme c’était qu’il fallait améliorer la justice de notre système de retraite. Ça n’a pas duré longtemps, avec les cafouillages sur la retraite minimum et les 1200 euros, avec les inégalités hommes/femmes, avec les questions de pénibilité et celles des carrières longues. Et, en dernier lieu, il nous est dit que tout ceci ne va pas plaire aux marchés financiers. Si c’est vrai, c’est bien l’aveu que le pays est pris en otage par la finance, et ce, suite aux latitudes extrêmes qui ont été offertes aux détenteurs de capitaux par pratiquement tous les pays depuis une trentaine d’années : pouvoir se déplacer totalement librement sur la planète, sans limites ni contrôles, mettant ainsi en concurrence, partout, les budgets publics, les fiscalités et les obligations et contraintes éventuelles pouvant peser sur les capitaux. Chaque population est

« obligée » de rendre son territoire national « attractif » aux capitaux qui veulent y trouver le meilleur rendement. Le gouvernement se prive de recettes fiscales énormes en permettant que les entreprises et les personnes les plus riches ne payent pas d’impôts ni de cotisations à hauteur de ce qu’ils devraient, ce qui provoque des déficits publics, ce qui conduit d’une part à l’austérité budgétaire pour le plus grand nombre et à l’endettement du budget de l’État et à sa mise sous tutelle par les prêteurs, qui sont ceux qui n’ont pas été imposés !

Mensonge encore du gouvernement, et hier par la Première ministre elle-même devant l’Assemblée nationale quand elle parle de « dialogue social ». Certes, en automne, les organisations syndicales ont été reçues, ont pu formuler leurs demandes, des notes ont été prises, mais rien n’était négociable sur l’essentiel, les 64 ans et les 43 années de cotisation, aucune autre proposition de financement n’était envisagée.

Mensonge toujours quand le gouvernement nous parle de « violences » pour des autocollants et des affiches apposés sur des permanences de députés votant la loi, « violences » pour quelques noms d’oiseaux proférés à leur encontre. Mais rien sur la violence que représente le vol de deux années de notre vie à chacune et à chacun !

De plus en plus, dans les rangs des manifestantes et des manifestants, chez les grévistes, dans les ronds-points, c’est toujours la réforme des retraites qu’il faut retirer, mais c’est aussi une autre politique globale qui est formulée et une démocratie plus réelle qui est souhaitée.

C’est ce que nous exigerons encore ce jeudi 23 mars 2023, avec les manifestations qui sont appelées par l’intersyndicale nationale avec ses déclinaisons locales. À Paris, la manifestation partira à 14 heures de la Place de la Bastille, pour aller à Opéra, en passant par la Place de la République (le cortège de Solidaires étant en tête).