Gérard Coste nous a quitté·es

Gérard est décédé ce matin, samedi 9 mars 2024. Il avait eu 71 ans en septembre dernier. Beaucoup de militantes et militants de l’Union syndicale Solidaires ont rencontré Gérard à travers ses activités en matière de formation syndicale, plus encore ne l’ont pas connu mais bénéficient du travail qu’il a mené durant des années, notamment pour les Cahiers de la formation syndicale et plus globalement pour la construction du Centre d’études et de formation syndicale interprofessionnelle Solidaires. Gérard était d’un apport inestimable à propos de l’histoire du mouvement ouvrier, et aussi des histoires du mouvement ouvrier. Des connaissances qui, pour lui, n’avaient d’intérêt réel que partagées avec d’autres, surtout les plus jeunes générations. Cette transmission, Gérard la concevait comme un échange, la construction de nouveaux liens, pas dans un rapport inégalitaire. Son dernier article, il l’a écrit pour le numéro de la revue Les utopiques à paraitre dans quelques semaines ; il porte sur … la formation syndicale ; et il avait tenu à le dédier à son « camarade et ami, Jean-Michel Bénichou, pilier de la construction et du développement du CEFI-Solidaires ».

Approchant les 16 ans en Mai 1968, Gérard participa aux manifestations lycéennes de la période, puis au Comité d’action de Fontenay-aux-Roses. En 1972, après l’obtention du Bac, il est reçu au concours d’entrée aux PTT. Il sera facteur dans les Hauts-de-Seine jusqu’en 1977, receveur-distributeur dans le Cantal puis la Charente jusqu’en 1984, agent d’acheminement du courrier à compter de 1985. Après un court passage au centre de chèques postaux de Lyon, il revient en Ile-de-France : il est affecté au service du tri de la poste principale de Paris-Louvre, jusqu’à sa retraite en avril 2013.

Gérard participa à la « grande grève des PTT » d’octobre-novembre 1974. A l’issue de celle-ci, il adhéra à la CFDT et intégra le Bureau du syndicat départemental des PTT des Hauts-de-Seine. Opposé au « recentrage » de la confédération CFDT, c’est-à-dire à son abandon du projet de transformation sociale et notamment de la perspective autogestionnaire, il se démit de ses mandats en 1976 et quitta l’organisation en 1978. Après les grèves de 1986 qui, dans plusieurs secteurs autres que les PTT, remirent aux premier plan l’auto-organisation des travailleurs et des travailleuses, la mise à disposition de l’outil syndical pour leurs luttes, Gérard se resyndiquant à la CFDT ; cette fois, au syndicat des postaux de Paris. Le syndicat était impliqué dans la gauche de la CFDT, l’opposition à la majorité confédérale. Après les grèves de l’automne 1988, son syndicat, et la structure régionale CFDT PTT d’Ile-de-France fut exclu de la confédération. Gérard participa donc à la naissance de SUD PTT. Au sein de la fédération d’abord, du G10 qui deviendra Solidaires ensuite, il consacrera une grande partie de son temps à la formation syndicale. Mais aussi, les deux choses étant liés pour lui, aux questions de développement, d’aide à la structuration des nouvelles équipes militantes, de syndicalisation. Gérard aimait convaincre qu’il était indispensable de connaître à fond son secteur professionnel pour être plus efficace au plan interprofessionnel. C’était un adepte des « cartes ouvrières » qui permettent à un collectif militant de s’approprier la réalité telle qu’elle est pour mieux construire le rapport permettant de la changer. Habitant Saint-Denis, Gérard a milité activement au sein de l’Union locale Sud Solidaires de cette ville et de l’Union départementale Solidaires Seine-Saint-Denis en participant à leur développement et à la transmission de son expérience.

Lors de débats sur le thème « Qu’est-ce qu’être syndicaliste de lutte aujourd’hui ? », en 2007, Gérard déclarait : « Est-ce que ces verrous statutaires empêchent la bureaucratie ? Non, ça ne suffit pas. Car la bureaucratie ce n’est pas seulement une question de durée de mandat, c’est aussi engendré par l’affaiblissement du tissu militant, et l’appauvrissement des débats. […] Au-delà du plan professionnel, il y a tout le travail interprofessionnel, de relations internationales, les sans-papiers, les contre-sommets altermondialistes, le féminisme... C’est très enrichissant et souvent passionnant. Mais il y a forcément délégation. La délégation peut rendre des comptes, faire des rapports, il est quand même difficile de trouver le temps de se tenir au courant, de partager les infos et de s’approprier collectivement les débats. Le temps, c’est ce qui manque le plus. C’est vrai au niveau de la fédération, mais aussi dans les syndicats. Ça favorise un appauvrissement des débats, de la routine et donc de la bureaucratie. La question c’est comment on fait pour être à la fois spécialiste sur un sujet, et compétent sur l’ensemble ». On essaie de faire comme toi, Gérard ?

Les problèmes de santé l’amenèrent à ralentir ses activités militantes à partir de 2016. Il restait très attentif à la vie sociale, syndicale, politique ; quand il le pouvait il échangeait avec les camarades. Outre ses contributions, anonymes mais nombreuses et riches, aux Cahiers de la formation syndicale, il nous laisse ses articles pour Les utopiques1, dont l’ultime qui se conclut par « le travail réalisé, et qui continue, pour développer Solidaires et son outil de formation interprofessionnel. »

De la Fédération anarchiste à l’Union communiste libertaire, en passant par Alternative libertaire, Gérard c’est aussi 50 ans de soutien à l’existence d’un courant libertaire au sein du mouvement ouvrier.

Merci Gérard.

1 "1921-1936 : de la scission à la réunification", Les Utopiques n°5, juin 2017 ; "La Commune de Paris et les services publics", Les utopiques n°16, printemps 2021. Le dernier sur la formation syndicale, à paraitre en avril 2024, est reproduit en annexe.